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9 mars 2014 7 09 /03 /mars /2014 11:05

Présence panchounette - Remake up n°1,1986

Précédemment, on a vu les premières attaques...

 

[Notes : Le lendemain de la défaite de la sortie des parisiens.

 

A Versailles.

 

Vinoy résume ces événements : l’armée du gouvernement « avait infligé aux troupes insurrectionnelles plusieurs échecs sanglants : elle avait fait des prisonniers, pris des canons, des armes, des munitions, réoccupé des positions importantes, et surtout elle avait donné au gouvernement régulier une grande force morale en jetant le trouble parmi les troupes de la Commune… »[1]. Noter qu’il n’est pas fait mention des exécutions.

Devant l’Assemblée nationale, Thiers se réjouit du succès de ses troupes contre « ces malheureux, qui, égarés par des pervers, veulent faire succéder la guerre civile à la guerre étrangère »[2]. Il croit être en mesure de pouvoir rassurer les députés : « l’Assemblée peut être en parfaite sécurité : force restera à la loi. »[3]

Relever qu’ils ont une autre raison de se réjouir. Favre écrit : « L’énergie de nos actes devait exercer une influence favorable sur l’esprit du prince Bismarck, et diminuer ses méfiances. Un peu mieux édifié sur nos intentions, il consentit à porter le chiffre de notre effectif à 100 000 hommes. »[4].

 

A Paris.

« Des femmes, mères, sœurs, etc., accouraient, cherchaient quelqu’un, lui sautaient au cou lorsqu’elles le voyaient, ou s’effrayaient de son absence, questionnaient, pleuraient » relate le Rappel[5]. Et de conclure : « Ah ! Messieurs de Versailles ! Et tout cela parce que Paris a voulu avoir son conseil municipal comme les moindres villages ! ».

Arthur Arnould qualifie cet échec de « désastre » : « au point de vue moral, il eut les plus funestes conséquences, en décourageant dès le premier jour des troupes où l’enthousiasme et le dévouement l’emportaient de beaucoup sur la discipline et l’expérience »[6]. Et de déplorer : « Il fallait donner de la confiance à cette armée citoyenne, l’aguerrir chaque jour, lui faire faire de petites reconnaissances où elle aurait eu l’avantage, et ne pas risquer tout son enjeu sur une seule carte. »[7].

 

Changement de tactique.

Noter qu’à partir de cet échec, les parisiens ne tenteront plus de sorties, mais resteront retranchés dans Paris, concentrant leurs efforts sur les fortifications.

On peut lire dans le Rappel : « la commission exécutive va reprendre la tactique qu’elle n’aurait pas dû abandonner, c’est-à-dire se retrancher derrière les fortifications qui font Paris imprenable »[8].

Favre résume : « La Commune essayait vainement de dissimuler sa déroute. La stupeur et la colère des fédérés en disaient assez l’étendue. Il ne fut plus question d’opérations offensives. Combattre l’armée à l’abri des murailles et des forts était la seule tactique possible. »[9].

 

Sur cette stratégie, noter qu’Arthur Arnould déplore qu’elle ne fut pas menée avec plus de scrupule. Selon lui, en plus de la première enceinte, il regrette qu’on n’ait pas élevé une deuxième, puis une troisième enceinte « pour créneler les maisons sur le passage des troupes, pour créer à Montmartre et sur divers points culminants, de véritables forteresses qui auraient rendu Paris absolument inabordable… »[10]. Il déplore : La Commune créa une Commission des barricades, donna ordre sur ordre, dépensa même beaucoup d’argent, et rien d’utile ou de sensé ne fut fait »[11].

Lissagaray confirme : la construction des barricades « étaient abandonnée à un fantaisiste qui semait des travaux sans méthode et contre les plans de ses supérieurs »[12].

Arnould va plus loin, qui tance des hommes qui étaient, qui « n’étaient que » militaires, qui ont voulu mener une guerre « régulière », une « guerre classique »[13], alors qu’il s’agissait de concevoir une « véritable guerre populaire »[14] avec « des moyens révolutionnaires ». ]

 

[ Le décret des otages.

 

Le 5 avril 1871, suite aux exécutions que les Versaillais ont commises, la Commune vote un décret qui prévoit d’arrêter les personnes complices de Versailles pour les constituer « otages du peuple de Paris »[15] et menace : « Toute exécution d’un prisonnier de guerre ou d’un partisan du gouvernement régulier de la Commune sera, sur-le-champ, suivie de l’exécution d’un nombre triple des otages retenus… »[16].

 

S’arrêter sur ce décret, son but, son application…

 

Jaurès note qu’il fut procédé à « l’arrestation et à l’incarcération d’une quarantaine de personnages, des ecclésiastiques surtout, parmi lesquels l’archevêque Darboy, son grand-vicaire Lagarde, le curé de la Madeleine, Deguerry, et plusieurs pères jésuites. »[17]. Il précise que « la seule menace suffit, comme on l’avait pensé à l’Hôtel de Ville, à brider la rage versaillaise ».

La lecture de Lissagaray confirme, qui rapporte les propos d’un conseiller, Vermorel : « Notre but n’est pas de verser le sang des Versaillais et des otages, mais d’empêcher qu’on ne verse le nôtre »[18].

Louise Michel estime que ce décret « fut la seule mesure qui ralentit les tueries de prisonniers » par les Versailleux[19].

Jaurès ajoute que ces « otages » - il met les guillemets – furent « fort bien traités par la débonnaire Commune, autorisés à faire venir du dehors nourriture, linge et publications »[20].

Il se peut qu’il ait lu Lissagaray qui écrit qu’ils « eurent toute liberté de faire venir du dehors nourriture, linge, livres, journaux, de recevoir les visites d’amis, jusqu’à des reporters de journaux étrangers. »[21].

 

Des négociations sont tentées. On cherche à échanger Blanqui contre l’archevêque Darboy. Puis on lance une seconde proposition l’échange de 74 otages contre le seul Blanqui. Là encore, le gouvernement atermoie. L’archevêque écrit des suppliques épistolaires à Thiers qui reste sourd. Selon Jaurès, il « avait compris dès la première minute les intentions scélérates des gouvernants, trahies par le mot typique de ce benêt de Barthélémy Saint Hilaire, intime du président : ‘les otages ! les otages ! mais nous n’y pouvons rien ! qu’y faire ? Tant pis pour eux’ »[22]. L’archevêque lance une sommation : « On ne comprend guère que dix jours ne suffisent pas à un gouvernement pour savoir s’il veut accepter ou non l’échange proposé »[23].

Les Communeux nourrissent des soupçons terribles quant à se silence de Thiers. Lissagaray ose une hypothèse : « leur but » était « de pousser à l’exécution des otages : la mort du gallican Darboy était double profit, ouvrant une succession convoitée par les ultramontains et faisant un martyr. »[24].

Arthur Arnould tombe d’accord : « On vous avait offert de vous rendre l’archevêque et vous aviez refusé ! – Pourquoi ? – Parce que le clergé rêvait, pour remonter ses actions, de compter une victime qu’il pût transformer en martyr. Or l’archevêque de Paris, gallican, mal avec le pape et les jésuites de Rome, par sa mort vous donnait ce martyr à peu de frais, puisque vous le détestiez »[25].

A la lecture de Favre, on se fait une idée du point de vue du gouvernement qui se refuse à négocier avec la Commune : « c’eût été reconnaître son droit de belligérant, et, par la même, effacer celui de la souveraineté nationale représentée par l’Assemblée »[26].

 

Noter que le décret des otages ne fut appliqué que bien plus tard, par Ferré, qui se rendit à la prison de la Roquette le 24 mai, au moment le plus rude de la semaine sanglante et fit exécuter 6 otages dans la cour de la prison. Jaurès n’en tient pas grief contre la Commune, qui écrit : « L’histoire impartiale, preuves en main, déclare que la Commune, à son agonie, n’a fait qu’exécuter la sentence rendue par Thiers lui-même et par Versailles. »[27]. On peut s’interroger sur l’adjectif « impartiale »…

Arthur Arnould insiste : « la Commune n’a pas fait tomber une tête, n’a pas fait couler une goutte de sang. »[28]. Il se fait plus précis : « je n’ai jamais vu une réunion d’hommes ayant une telle horreur instinctive ou raisonnée du sang versé, une plus insurmontable antipathie contre la peine de mort »[29]. Et de multiplier les exemples où les membres de la Commune refusèrent de donner l’ordre d’exécuter des prisonniers ou s’attachèrent à remanier la cour martiale après qu’elle a prononcé une condamnation à mort qui fut, donc, cassée[30].]

 

[Les batailles.

Parcourir brièvèment…

Le 6 avril, les troupes versaillaises parviennent à occuper Neuilly. « La grande question pour nous n’était pas alors de tenter l’entrée dans Paris, mais bien d’assurer le séjour de Versailles contre toute atteinte, afin que la réorganisation de l’armée et du matériel pût s’y faire avec calme et maturité »[31].

 

Si les Versailleux refusent de négocier, ils tentent d’acheter des hommes. Vinoy raconte que « des négociations secrètes avaient été entamées pour obtenir, moyennant une forte somme d’argent, la livraison de l’une des portes de la ville »[32].

Lissagaray relate, lui aussi, des tentatives versaillaises d’acheter les Communeux. Il s’arrête sur le cas de Dombrowski, élevé au rang de général de la Commune, qui se voit proposer un million pour livrer une des portes qu’il commande[33]. Puis il parle des tractations, des intrigues d’une « nébuleuse de ‘traîtrillons’ »[34].

 

On peut noter des querelles d’hommes sans qu’on sache si elles viennent incriminer ou prendre prétexte. Par exemple, vers la fin avril, un mouvement confus d’abord d’évacuation puis de réoccupation du fort d’Issy mènera à l’arrestation de Cluseret, soupçonné de trahison[35]. Il sera remplacé, à la délégation à la guerre, par Rossel.

Gaston da Costa note : le Comité central, sous l’influence de certains chefs militaires, – dont Rossel – et de quelques membres de la Commune, avait décidé dès longtemps la chute de Cluseret, et les événements de l’abandon provisoire du fort d’Issy n’en furent que le prétexte »[36]. Noter qu’il sera acquitté. « Le réquisitoire […] n’était fait que de ragots »[37] expliquera Lissagaray.

Le 9 mai, le fort d’Issy tombe finalement aux mains des Versailleux. Rossel fait part publiquement de ses difficultés avec le Comité central. Lissagaray condamne : « Rossel pouvait à la rigueur adresser ses reproches à la Commune ; il commit une faute impardonnable en envoyant sa lettre aux journaux. En moins de deux heures, il rebutait des milliers de combattants, jetait la panique, flétrissait les braves d’Issy, dénonçait à l’ennemi les faiblesses de la défense. »[38].

 

On pressent un momentum, un effet boule de neige qu’on retrouve dans les débâcles politiques ou militaires, cette chose qui veut que ce qui appareille ou unit, en trompant les seuils de tolérance, qui tient forcément de la foi, se dérobant, chaque mouvement enfonce et enlise un peu plus.

 

Les troupes versaillaises bombardent sans répit depuis Montretout, la forteresse, les portes d’Auteuil et de Saint-Cloud[39]. Vinoy note : « Le rempart était tellement balayé par nos obus, qu’il était devenu presque impossible de s’y tenir, même abrité ». Le plan est simple : « Il fallait pratiquer d’abord une brèche suffisante, tenter une escalade meurtrière… »[40].

 

Vinoy dit ne pas pouvoir s’expliquer « la cause véritable des défaillances qui se produisirent parmi les insurgés au moment où ils laissèrent entrer [les troupes versaillaises] par un des points de l’enceinte »[41] (p. 303). Toujours est-il que le 21 mai, les Versailleux s’avancent jusqu’à la porte de Saint-Cloud, au point du jour, sans rencontrer de résistance et parviennent à entrer dans Paris.

 

S’arrêter sur la prise de la porte de Saint-Cloud.

Vinoy parle de la témérité d’un « simple piqueur au service de la ville de Paris », M. Ducatel, qui, s’apercevant que les remparts n’ont ni sentinelles ni défenseurs, s’avance et fait signe aux soldats de le suivre[42]

Le Rappel parle d’attaques simultanées : « les redans des portes de Saint-Cloud et d’Auteuil étaient pris par les ruraux, à la même heure, entre cinq et six heures »[43].

Dans ce journal, on ne s’y explique pas comment on a « laissé passer les Versaillais », comment, « après l’héroïque résistance des précédents jours, il n’y a pas eu d’assaut, il n’y a pas eu de combat »[44].

Lissagaray parle d’une « incurie coupable »[45]. Et d’énumérer les erreurs : le Comité de salut public, qui, « informé de l’abandon des remparts, se borne à prévenir la Guerre au lieu d’accourir » ou d’évoquer une note de Lefrançais qui alerte de la situation, note « qui s’égara », etc.

 

Vinoy se réjouit : « C’était là un résultat immense, et, on doit le dire, inespéré. Paris était enlevé sans qu’une lutte cruelle et sanglante eût signalé l’entrée de nos soldats »[46]. Et d’ajouter : « Mais notre victoire ne devait pas demander moins d’une semaine tout entière de nouveaux et pénibles efforts pour être définitive »[47].

Et en effet, cette semaine qui débute, demandera de « pénibles efforts ». Elle sera appelée « la semaine sanglante » et sera le témoin du plus grand massacre politique qu’on ait vu.

 

Le Rappel s’inquiète – le mot n’est pas assez fort – : « Nous qui, depuis le commencement de l’affreuse lutte, n’avons pas cessé un jour et une heure de conseiller, d’implorer la paix et l’accord, que pouvons-nous dire aujourd’hui ? Recommander la conciliation à Versailles ? ce serait lui demander grâce ; la recommander à Paris ? ce serait l’affaiblir dans son courage et le blesser dans son honneur.

Il est trop tard ! Il est trop tard ! nous n’avons plus qu’à jeter ce cri désespéré et à laisser en silence couler à flots le sang de notre cher Paris, de notre pauvre patrie… »[48]. Noter que le journal ne publiera plus pendant cinq mois après ce numéro.]

Dimanche prochain, on entrera dans la "Semaine sanglante"...

 

Site du film "Commune"...

 

[1] Joseph Vinoy, Campagne de 1870-1871, Paris, 1872, p. 290.

[2] Discours parlementaires de M. Thiers, partie IV, Paris, 1882, p. 172.

[3] Ibid., p. 175.

[4] Jules Favre, le gouvernement de la Défense nationale, Tome III, Paris, 1875, p. 308.

[5] Le Rappel, en date du 5 avril 1871.

[6] Arthur Arnould, Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, éd. J.-M. Laffont, 1981, p. 177.

[7] Ibid., p.180.

[8] Le Rappel, en date du 6 avril.

[9] J. Favre, op. cit., p. 306.

[10] A. Arnould, op. cit., p. 184.

[11] Ibid.

[12] Lissagaray, Histoire de la Commune de 1871, Paris, 1929, p. 223.

[13] A. Arnould, op. cit., p. 185.

[14] Ibid., p. 186.

[15] Journal Officiel de la Commune, en date du 6 avril 1871, Paris, 1871, p. 169.

[16] Ibid., p. 170.

[17] Jean Jaurès, Histoire socialiste, Tome XI, Paris, 1901-1908, p. 403.

[18] Lissagaray, op. cit., p. 225.

[19] Louise Michel, la Commune, coll. Classiqes des sciences sociales, p. 221.

[20] J. Jaurès, op. cit.

[21] Lissagaray, op. cit., p. 226.

[22] J. Jaurès, op. cit., p. 406.

[23] Ibid., p. 407.

[24] Lissagaray, op. cit., p. 228.

[25] A. Arnould, op. cit., p. 268.

[26] J. Favre, op. cit., p. 324.

[27] J. Jaurès, op. cit., p. 408.

[28] A. Arnould, op. cit., p. 262.

[29] Ibid., p. 263.

[30] Ibid., p. 265.

[31] J. Vinoy, op. cit., p. 284.

[32] Ibid., p. 299.

[33] Lissagaray, op. cit., p. 270.

[34] Ibid., p. 272.

[35] Ibid., p. 242.

[36] Gaston da Costa, la Commune vécue, Tome II, Paris, 1904, p. 172.

[37] Lissagaray, op. cit., p. 307.

[38] Ibid., pp. 260-261.

[39] J. Vinoy, op. cit., p. 302.

[40] Ibid., p. 301.

[41] Ibid., p. 303.

[42] Ibid., p. 304.

[43] Le Rappel, en date du 23 mai.

[44] Ibid.

[45] Lissagaray, op. cit., p. 305.

[46] J. Vinoy, op. cit., pp. 304-305.

[47] J. Vinoy, op. cit.

[48] Le Rappel, op. cit.

Présence panchounette, Remake up n°1, 1986

Présence panchounette, Remake up n°1, 1986

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