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2 octobre 2007 2 02 /10 /octobre /2007 01:04
ponomarev/mescheryakov : shower
On peut regarder tout comme ça : « à quoi ça sert ? » et « comment c’est possible ? ». Je ne peux pas dire à quel point j’adore ça. Je peux aller jusqu’à ne plus jamais me demander « c’est quoi ? », « c’est quoi les dieux ? », « c’est quoi l’amour ? », « c’est quoi un homme ? », mais « à quoi ça sert ? ». À quoi ça sert, c’est-à-dire quelle est la puissance de ça, quelle est ma puissance avec ça et aussi comment c’est utilisé. J’adore cette question. On trouve tout génial avec cette question. Les dieux, c’est génial, ça sert à plein de trucs, ça n’existe pas en plus, c’est un truc qui marche alors que ça n’existe pas. L’amour, la masculinité, c’est pareil, ça marche très bien, il n’y a qu’à voir le nombre de gens qui « aiment » ou qui « sont » des « hommes ». Bon, bien sûr, je pourrais dire que c’est voué à l’effondrement, précisément parce que ça n’existe pas, donc ça ne marche pas tout seul, ça demande un effort hallucinant, inhumain, et puis les gens qui marchent avec ça, ils boitent – il faut être aveugle pour ne voir que des images – mais qui je suis pour dire ce qui marche ou pas. On peut faire une éthique avec ça : « est-ce que ça marche ? », « les dieux, ça marche pour toi ? alors c’est bien… pour moi, ça ne marche pas du tout, mais si ça marche pour toi, c’est très bien, tant mieux, rien à redire ». Ou encore : « les dieux, l’amour, l’identité, c’est aliénant, mais ça marche pour toi l’aliénation ? alors, c’est très bien, aliène-toi, à ta place, je ferais pareil, sans hésiter, si ça marche l’aliénation, c’est génial, tu aurais tort de t’en priver ». Je peux faire ça avec tout, je ne suis pas ironique là, je suis très sérieux : « ça marche pour toi l’alcoolisme ? la toxicomanie ? mais n’arrête pas, continue, c’est très bien, non mais franchement », « ça marche pour toi d’être de droite, de t’abrutir devant la télé, de t’abrutir en lisant de la philo, etc… ». Je fais tout péter avec ça, vous voyez, c’est drôle, non ? Je vais jusque-là : « le mal, ça marche pour toi ? alors c’est bien ».

Les choses et les trucs ont forcément une utilité. Il y a quelque chose comme un principe de nécessité suffisante qui veut que les gens, ils font ce qu’ils peuvent, ils ne font que ce qu’ils peuvent, même s’ils ne font pas tout ce qu’ils peuvent. Ça, c’est une éthique. Par exemple, les gens ne lisent pas la philosophie, c’est comme ça, dans l’ensemble, les gens ne lisent pas la philosophie, et ils ont raison ces gens, parce que ça ne leur sert à rien du tout la philosophie, ils ne vont pas perdre leur temps. Bon, en fait ils passent à côté de quelque chose d’immense, ils passent à côté d’outils qui marchent, mais ça ils ne le voient pas, évidemment, parce que les gens qui lisent la philosophie, eux, ils n’en font rien, ils ne s’en servent pas du tout, et même on peut dire que ça les assomme. Alors, les gens qui ne lisent pas la philosophie, ils ont raison, ils ne veulent pas être assommés. Ou alors ils trouvent d’autres trucs pour être assommés, des trucs qui marchent mieux pour eux. Peu importe, ce n’est pas grave, être assommé, si ça marche, c’est très bien. Quoi qu’il en soit, les gens, ils utilisent les choses ou les trucs en fonction de ce qui marchent pour eux. Je décris un rapport aux choses là, donc, je décris une appréhension à partir de cette histoire de puissance. Je l’étends aussi. Je peux dire pareil d’un système politique, ça tient tant que ça marche, il y a une révolution pour mettre en place un truc qui marche mieux quand l’ancien système ne marche plus, etc… L’idée, c’est que de toutes façons, si ça ne marche pas, on passe à autre chose, ça se fait tout seul.Alors, ça ne marche jamais vraiment, et ça ne marche jamais plus du tout. Ça c’est génial aussi. Ça fait qu’il y a encore des nobles, alors que la noblesse, ça ne marche plus depuis longtemps, ça fait qu’il y a toujours des croyants, des scientifiques, des amoureux, etc… Déjà, on voit tout ce que ça peut apporter. Poser son regard sur les choses et les gens sans chercher à les définir, c’est-à-dire à les mesurer à un idéal, par exemple une morale, mais simplement en se demandant comment ça marche, rien que ça, ça change tout un rapport, ça le libère d’un poids hallucinant, ça fait péter tellement de trucs. Maintenant, est-ce que c’est un idéal que ça marche ? Je repose la question autrement : à quoi ça sert que ça serve ? Alors là, il faut dire : à rien, ça ne sert à rien. C’est très important de le dire à ce moment-là, que ça serve, ça ne doit servir à rien. Ça ne peut pas être un but, on ne peut pas faire une échelle de valeurs avec ce qui marche mieux et ce qui marche moins bien, sinon on retombe dans les mêmes histoires que la morale, le bien et le mal, si ce n’est qu’on met le mot « marche » avant : « ça marche bien, ça marche mal », non, ce n’est pas possible. Que ça marche, ce n’est pas un but, ce n’est pas censé devoir marcher. Il se trouve que ça marche, c’est comme ça que ça se passe, ça marche. Ce n’est pas un truc vers lequel on tend, on n’aspire pas à marcher, on marche, on ne court pas après. Je vais le dire autrement pour ceux qui suivent mon travail : ce n’est pas une absence, c’est une présence, ce n’est pas un signe, c’est un signal, ce n’est pas inconscient, c’est aconscient. En d’autres termes, j’insiste, il faut aller jusqu’à concevoir que, que ça marche mal, ou que ça ne marche pas, c’est comme ça que ça marche pour des gens, et que si ça marche pour eux de ne pas marcher, c’est très bien.
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23 septembre 2007 7 23 /09 /septembre /2007 02:21
  Rubén Ramos Balsa :
Ce n’est pas vraiment un combat, lutter contre le désir et les images, parce que de toute façon ça s’effondre pour tout le monde. Je veux dire, il n’y a pas une personne qui ne soit confrontée dans sa vie à l’effondrement de son désir. Ca ne sert à rien de lutter là-contre, puisque c’est un leurre qui ne repose sur rien. Le travail de lutte contre le désir, le désir le fait lui-même. D’ailleurs, il y a un truc tacite qui veut que ceux qui ont déjà renoncé regardent avec bienveillance ou moquerie ceux qui s’agitent encore en attendant, plus ou moins patiemment, le spectacle de l’effondrement de leur désir, parce que c’est un spectacle, et pour ceux qui ont déjà renoncé, c’est un spectacle rassurant évidemment. Par exemple, il y a une grande partie de la France qui attend aujourd’hui que son président, « tellement en mouvement qu'on se demande ce qu'il fuit », s’effondre. Et on peut dire que cet homme, tout le bruit qu'il fait, ce n'est pas autre chose que le vacarme de son effondrement.
 
Il y a d’un côté des gens qui refusent de se résoudre à l’impuissance, à la castration fondamentale de cette société, mais qui refusent avec des mécanismes qui font partie de cette impuissance : le rêve, l’espoir, le combat, la contestation, etc… Mais ils ont raison ces gens, de ne pas renoncer, de ne pas se résigner, de hurler, de tout casser, de dire non de toutes leurs forces, jusqu’à faire passer ce refus avant leur survie, jusqu’à la conditionner à lui. Et de l’autre côté, il y a ceux qui attendent qu’ils s’épuisent ou que la vie leur donne tort et qu’ils fassent comme eux, qu’ils se résignent. Et comme j’ai commencé par là, il y a un moment où on se rend compte qu’on désir l’impossible, qu’on est impuissant, que même se battre contre l’impuissance, c’est un truc d’impuissant. Ca, c’est quand même le truc le plus génial de cette société, réussir à nous rendre fondamentalement impuissants, faire que même nous débattre nous enlise, c’est le tour de passe-passe le plus ahurissant. Désirer, ce truc sur lequel on fonde toute notre activité, c’est déjà se faire piéger par l’impossible et l’impuissance. Et au bout du désir, au bout de l’impossible, il n’y a rien, il y a des bourgeois soumis qui attendent la mort qui tarde. Ils n’ont plus d’envie, plus rien ne les anime, c’est fini, c’est bon, pour peu qu’ils se soient reproduits, ils sont déjà pratiquement enterrés et on peut passer aux autres.

Alors, c’est là que le concept de puissance change tout. C’est très concret tout ça, c’est avec ça que la vie est possible ou pas. La puissance, ça n’a rien à voir avec le désir, c’est affaire de jouissance, d’avoir la jouissance des choses. Bon, par exemple, il y a toute cette histoire de libido, d’Eros, etc… il y a toute cette énergie qui nous meut, qui est fondamentalement castrée – qui est castrée par l’image donc – bon… mais enfin, quand même, ce n’est venu à l’idée de personne qu’il y a une énergie bien plus fondamentale que la libido, une énergie qui n’est pas plastique, qui ne se projette pas, qui ne régresse pas, qui ne se sublime pas, qui ne se laisse pas faire, qui est intrinsèquement insoumise, irraisonnable, sauvage, qui est la faim. Ce n’est pas la libido qui tend toute notre activité, ce n’est pas vrai, c’est une entourloupe, c’est une escroquerie de concevoir ça, une escroquerie énorme et grossière. Notre activité est portée par la faim. Et la faim, elle se nourrit de ce qui est possible, elle savoure, elle puise sa force, elle extraie son énergie de l’essence des choses, elle jouit. La faim est fondamentale et asociale et face à elle aucun désir, aucun impossible, aucune escroquerie, aucune société ne peut faire le poids.
 
 
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19 septembre 2007 3 19 /09 /septembre /2007 03:22
Que les choses soient claires : mon existence est profondément et radicalement révolutionnaire. Je vomis cette société, je suis du côté des terroristes, le pouvoir me répugne, je n’ai pas de problème avec la violence, je suis amoral, je suis anarchiste et je suis partisan de l’action directe. Voilà pour la case « extrêmiste ». Maintenant, je ne suis pas communiste, je n’aime pas plus les prolétaires que les bourgeois, je ne suis complaisant ni avec les maîtres, ni avec les esclaves et même je ne leur trouve aucune excuse. Je considère que faire couler le sang est un geste d’impuissant castré. Je ne vois pas de différence entre un patron qui impose son pouvoir et un extrêmiste qui tend à en imposer un autre, je ne vois pas en quoi l’un mérite plus la mort que l’autre.  Je pense que s’inscrire dans une logique de pouvoir, soit en ayant recours à la force, soit en attendant indéfiniment que les choses changent par le pouvoir magique des mots, c’est le contraire de l’action directe. Je pense que la contestation utilise le même vocabulaire et la même syntaxe que le pouvoir en place et participe au maintien de la société. Je ne crois à aucune des alternatives politiques qui sont proposées, parce qu’elles procèdent toutes du même rapport au pouvoir, qu’elles remettent en cause des modalités qu’elles remplacent par d’autres comparables qui remplissent la même fonction aliénante et castratrice et qu’elles ne s’attaquent pas aux fondements. Je ne fais pas de distinction entre une idéologie politique, une théologie ou n’importe quel idéal aliénant.

Je dis que l’action directe, c’est agir maitenant et tout de suite avec ce sur quoi on peut agir. Je dis que je ne suis pas un enfant qui a besoin de la reconnaissance de son père, que je n’ai pas à perdre mon temps et mon énergie à convaincre les autres dans l’espoir que la société change enfin pour me donner l’autorisation de vivre comme je le voudrais, je dis que de la reconnaissance, de l’autorisation, de la permission, je m’en passe, que je vais là où c’est possible, là où je rends possible, et ça n’a rien à voir avec là où c’est permis ou non, que la question ne se pose même plus. Je dis que les combattants révolutionnaires sont ou très touchants ou pitoyables dans leur agitation vaine. Je leur demande ce qu’ils attendent. Je leur demande ce qu’ils attendent avec leurs délires verbaux et graphomanes, je leur demande ce qu’ils attendent quand ils ont recours à la violence, je leur demande pourquoi, dans tous les cas, ils n’agissent jamais maintenant et tout de suite et que chacune de leur action et de leur parole semble reculer le terme de la révolution qu’ils invoquent. Je leur dis que cette révolution, il est évident qu’ils n’en veulent pas et qu’ils seraient bien embarrassés qu’elle arrive, parce que tout ce sur quoi ils se construisent s’effondrerait. Je leur dis aussi, au cas où ils ne l’auraient pas compris, que les révolutions qui se sont imposées dans l’histoire, n’ont pas servi à autre chose qu’à remplacer un système qui ne parvenait plus à maintenir la cohésion de la société, qu’elles ont redistribué les places, les rôles, les rangs, qu’elles ont rééquilibré les rapports de force dans le seul but de maintenir cette cohésion, en précisant, en étendant son aliénation sur tous les individus. Je leur dis donc qu’heureusement qu’ils ne font que l’attendre, cette révolution. Je leur dis qu’ils ne sont pas subversifs, et même je leur dis qu’ils sont désespérément bourgeois dans leurs convenances anti-bourgeoises.

Je dis que j’agis directement sur les choses, c’est-à-dire que je jouis de tout ce dont je suis puissant et que je suis puissant de tout ce dont je jouis, que ça n’attend pas, que ça ne sait pas ce que c’est attendre.

Je sais, j'ai la pêche en ce moment.
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2 septembre 2007 7 02 /09 /septembre /2007 11:31
    Je dirais qu’il faut, pour commencer, en finir avec ce discours ambiant que n’importe quelle personne dans une formation artistique entend à longueur de journée, je ne parle pas des techniciens, ni des académiciens, parce que ce sont des collabos et des réacs, dont le discours est aussi négligeable que celui de ceux qui disent « avant c’était mieux » ou « où va le monde » ou je ne sais quoi, peu importe… Quoi qu’il en soit, ce discours ambiant, il est très drôle, il est d’une naïveté et d’une duperie dont l’enthousiasme et la foi qu’il génère chez ceux qui le tiennent, ou qui se tiennent avec, fascinent, qui consiste à refuser les convenances, se montrer ingrat avec la technique, aller se confronter à soi, être « vrai », « sincère » et développer sa propre langue. J’ai tellement baigné dedans, à voir chaque jour pendant des années les pédagogues, les artistes, les metteurs en scènes et les chorégraphes les plus reconnus, c’est-à-dire ceux à qui on ne dit pas merde, parce que le moindre de leur éternuement est déjà sacré, vociférer contre quelqu’un, lui arracher les cheveux, lui donner des coups de poings dans le ventre, le traîner par terre, bref humilier, insulter tout ce derrière quoi cette malheureuse personne se cachait, j’ai aussi été tellement pollué par les félicitations que ma capacité à être débordé par ma sincérité suscitait, tu parles, j’étais pourtant sacrément nul, que je croyais que ça c’était acquis pour tout le monde. Niquer la technique, vomir les convenances et aller fouiller ses tripes. Je voyais bien que ça avait l’air difficile pour certains, ceux qui étaient humiliés donc, ceux qui en pleuraient aussi, mais en tout cas je croyais que c’était un axiome, que c’était bon, on pouvait passer à autre chose et aller plus loin.

  Alors, évidemment, des convenances derrière lesquelles on se réfugie, on peut dire que les gens, en fait, ils en sont imbibés. C’est dommage, parce que, je ne dis pas qu’il faut avancer à tout prix, mais, quand même, c’est un poids hallucinant à traîner. Enfin, on s’en fout, c’est leur problème, je suppose que ça peut être marrant. Le plus drôle, c’est que ce discours ambiant contre les convenances, qui tient forcément d’un truc post-psychanalytique et post-soixante-huitard, entre une croyance en un « vrai Moi » et un rejet des choses bourgeoises, que ce discours soit devenu lui-même une convenance, ça c’est ce qu’on peut faire de plus comique dans une formation artistique. C’est plus encore que la simple posture de refuser les idéaux comme la perfection, la beauté, le savoir-faire, tout ce qui distingue l’art de la technique et de l’académisme, c’est devenu un idéal à part entière, c’est l’idéal anti-idéal par lequel passe le salut d’un artiste.

  Bon, je dirais plusieurs choses et je n’en dirais pas d’autres. Déjà, je ne dis pas que ce discours est débile, je dirais que c’est une base, plutôt moins pire que d’autres bases, je ne vois d’ailleurs pas pourquoi ce n’est pas enseigné à l’école entre les maths et le sport, après tout. Parce que bon, c’est quand même vraiment un handicap les convenances, c’est un truc complètement embarrassant, qui a l’air de simplifier la vie comme ça, parce qu’il constitue un tas de phrases, d’idées, de pensées toutes faites dans lesquelles on puise pour se faciliter les rapports sociaux, mais non, ça n’en a que l’air, parce qu’il faut voir comment ça paralyse les gens quand ça finit par gagner leurs existences, convenues elles aussi donc. Ensuite, on est allé chercher quelque chose qui résiste à la société, qui n’est pas poli, policé, policier, d’accord, maintenant comment on va le chercher et qu’est-ce qu’on en fait ? Et c’est là que les convenances rattrapent tout, dans la méthode et dans le terme, dans la façon dont on va chercher cette chose asociale et dans ce qu’on en fait. C’est là que l’art contemporain perd sa charge. Il y a quelque chose qui est juste, « juste », ça fait parti du vocabulaire aussi, avec « vrai » et « sincère », il y a donc quelque chose de juste dans ce projet qui anime l’art dans toutes ses disciplines, ou presque, le cinéma, c’est différent, on peut dire qu’il est en retard, et la littérature, alors là elle est carrément attardée, parce que, dans l’ensemble, elle est tellement bourgeoise, mais bon oui c’est juste, c’est très enthousiasmant à voir, mais ça ne suffit pas, ça n’empêche pas les idéaux, ça n’empêche pas les fois et les croyances, ça a même pris la fonction d’une foi et d’une croyance donc.

  Alors merde à la fin avec ce truc de conservation, ce réflexe de tout baliser, de tout référencer, de tout situer, de tout castrer, ce respect tétanisé et ce besoin d’ordre qui finit toujours par faire retomber même les élans les plus sauvages, mais enfin ça pue tellement la mort que c’en est asphyxiant et puis quoi ?, et même si c’était le bordel, qu’est-ce qu’il y a de si précieux à conserver ?, qu’est-ce qu’il y a de si important au point de s’empêcher de vivre ? non mais franchement. Bon, il y a du boulot, je ne sais pas pourquoi s’arrêter en chemin, pourquoi ne pas dérouler le fil jusqu’au bout, rien que pour voir. Il s’agit de dérouler de fil et de voir ce qu’il se passe, et après qu’est-ce qu’on fait. Il s’agit de voir par exemple que l’art, c’est un travail sur un langage et qu’un langage est de toute façon aliénant tant qu’il dit, et qu’on lui fait dire, et pourquoi s’arrêter, ça pose des questions, allons-y, qu’est-ce que c’est ce Moi qui doit se révéler dans ce processus de sincérité, pourquoi elle s’arrête devant une illusion identitaire cette sincérité, continuons encore, suivons, poursuivons… C’est de la curiosité, c’est tout, rien d’autre : ne pas accepter d’emblée, aller voir, suivre un chemin, voir où ça mène, prendre un autre chemin, tourner à gauche, à droite, aller dans tous les sens, puisqu’il n’y a plus de référence qui situe la gauche de la droite, si ce n’est qu’on ne revient pas en arrière, un être humain ne revient jamais en arrière, il ne peut pas effacer le chemin parcouru, mais aller dans tous les sens ou alors pousser un élément, regarder tous les déplacements que ça provoque, rire du chamboulement, en pousser un autre et se laisser pousser, pourquoi pas, laisser pousser et grandir… Voilà, là je dirais que c’est la moindre des choses… Je ne dis pas qu’il faut poser des questions qui se renvoient les unes aux autres, qui nous font impuissants, impuissants à y répondre, je dis plutôt qu’on a rien d’autre à foutre que le bordel, parce que dans le bordel on foutre, c’est-à-dire on est puissant de jouir et alors là je dirais, pour finir, que tout commence.
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23 août 2007 4 23 /08 /août /2007 01:28
  Bon je ne peux pas dire que je ne rencontre pas de résistance quand je dénonce la confusion qu’il y a à prendre les images pour autre chose que ce qu’elles sont. Évidemment, j’ai conscience que je m’attaque à un truc rampant qui régule tout, enfin qui repère tout et ça ne semble pas concevable de ne plus se repérer, on dirait. Il se trouve que les images, on ne les voit plus, tellement on est fabriqué par elles. Je ne dis pas que les images, c’est mal, il se trouve que l’être humain est doué de la vue, je ne dis pas qu’il faut se faire aveugle, mais enfin de là à se trouver médusé par le regard…

  Je vais prendre un exemple très simple, je vais prendre quelque chose qui se mange, n’importe quoi, mettons une pâtisserie, voilà : un fraisier. Bon, qu’est-ce que c’est la jouissance de manger un fraisier ? D’abord il y a la vue, la vue elle-même du fraisier, la vue c’est une jouissance bizarre parce qu’elle ne marche que par ses implications. On n’a pas de sensations avec la vue comme on a avec le toucher, la seule sensation qu’on peut avoir avec la vue, on la doit au réflexe pupillaire, lorsqu’on est ébloui par exemple et elle est géniale cette sensation, elle est comme toutes les sensations, elle protège l’intégrité de notre corps, parce que bon, une sensation, c’est fonctionnel, on n’a pas des sensations pour rien, en ayant mal quand je suis ébloui, je ferme les yeux, je les sauve de l’aveuglement. Bon, la vue du fraisier ne va pas me procurer de sensations autres qu’imaginaires donc, elle va plutôt m’annoncer les sensations à venir, puisque le fraisier, n’émettant pas de lumière n'est-ce pas, ne va pas m’éblouir. Est-ce que je peux parler de sensations imaginaires ? On verra plus loin. Ensuite, un fraisier ne fait pas de bruit, bon il y a des choses qui se mangent, qui font du bruit, mais pas le fraisier. L’ouïe, c’est comme la vue, on n’a mal si le bruit agresse le tympan, mais bon là dans cet exemple, on s’en fout. Après il y a l’odorat, bon l’odorat, c’est génial aussi, parce que dans l’ensemble les trucs qui puent sont des trucs toxiques ou pourris, mais bon je ne vais pas décrire tous les sens, je passe. Ca m’amuse beaucoup d’écrire ce texte parce que la fin me fait rire, je suppose que c’est un peu comme une blague. Bref, après c’est le goût, etc… Alors par rapport au fraisier, si c’est un bon fraisier, ça va être la subtilité du mélange entre la pellicule de chocolat, la crème, la pâte d’amandes, le pain de Gênes et le fruit, où chaque élément caresse un ensemble surprenant de papilles et c’est bien cette surprise de pouvoir concerner telle et telle autre papille d’une seule bouchée qui tient de la jouissance. L’amertume du chocolat qui craque sous les dents, la souplesse sèche de la génoise étouffant le palais, la douceur sucrée de la crème quand elle envahit la langue, le moelleux de la pâte d’amendes que les lèvres commencent déjà à faire fondre et la fraîcheur croquante de la fraise dont le retentissement parvient jusque dans la gorge viennent délicieusement, par leurs saveurs et leurs textures, solliciter toutes les régions de bouche. Il y a une jouissance de toute cette perception sensationnelle. Il y a aussi la jouissance de se nourrir, et avec le fraisier, elle est marrante cette jouissance, parce qu’on ne peut pas dire que le fraisier ne soit que nourrissant, il est déjà un peu trompeur quand même, il est là précisément où se situe l’humanité : à la limite entre le fonctionnel et le luxe, c’est-à-dire l’inutile, et le luxe, c'est éblouissant évidemment. Enfin, bref...

  Eh bien imaginons que nous ne fassions que regarder ce fraisier, que nous ne puissions pas le manger, non, seulement le regarder. Voilà, là je suppose que c’est concret la jouissance maintenant.
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17 août 2007 5 17 /08 /août /2007 21:30
Je ne suis pas graphomane.
 
Ce n’est pas pour autant que je me fatigue facilement.

Je ne suis pas du genre à me laisser abattre, mais c’est parce que je ne m’abats pas, je crois même que je ne me bats pas, je résiste, je me défends, des fois, oui, quand j'en ai besoin, ça m’arrive d’être en colère, ça marche la colère dans cette société, on arrive toujours à ses fins avec la colère, parce qu’elle rend plus précieuse la douceur qui suit. Les gens ont besoin qu’on leur hurle dessus pour apprécier les caresses ou alors les gens ont besoin qu’on leur hurle dessus, je ne sais pas, je m’en fous, de moi, des gens, rien à battre donc, je parle d’autre chose.

Je dis que l’être humain, il ne naît pas avec un inconscient – je reprends là, j’y vais – je dis que l’inconscient n’existe pas. Qu’est-ce que c’est l’inconscient ? c’est quand on fait quelque chose pour la conséquence signifiante que ça a plus que pour la chose elle-même. Ca veut dire qu’on est avalé par l’idéal. Ca veut dire qu’on renonce à être pour exister socialement, exister socialement c’est se situer dans la société. Bon, j’avance, tout ça, je vois bien que personne ne suit, alors j’ai prévenu, j’y vais, je ne m’arrête pas pour attendre – j’ai horreur d’attendre, c’est le genre de trucs qui me fait hurler – par exemple si quelqu’un me fait attendre, en sachant que ça me fait hurler et que je hurle, ben, là, on est en plein dans l’avalement – l’avalanche – signifiante – donc je dis que mon action – ma parole, c’est une action aussi – je dis que mon action est et qu’elle est indépendamment de sa conséquence. Je dis que je suis, et que mon être est au-delà de mon existence sociale. Ca veut dire que je ne fais pas quelque chose pour me situer, je fais quelque chose parce que j’en ai besoin pour vivre. Je détisse la toile. C’est débile de suivre une cure psychanalytique dialectique, il faut voir le télos de la praxis analytique, le monologue dialectique, eh oui, de la cure, c’est le détour le plus long qu’on puisse faire pour arriver, par exemple, à la Chose, bon, passons, peu importe, on ferait mieux de détisser la toile, plutôt que de parler de son ego, c’est tout. Tiens, quand on se débat dans des sables mouvants, il paraît qu’on s’enfonce encore plus, ou bien gardons l’histoire de la toile, la mouche qui se débat, qui s’enroule dans la toile en se débattant, eh bien l’analysant, puisqu’on dit ça, dans la cure psychanalytique, c’est une mouche dans une toile. Enfin bref, c’est son problème à cette mouche, je suppose que ça l’occupe. Je dirais qu’on peut aussi détisser la toile donc. C’est-à-dire affirmer ses besoins. Regarder les choses en elles-mêmes, pas leurs conséquences signifiantes ou sociales, regarder nos besoins, je pourrais préciser aussi en eux-mêmes, à la différence du désir qui n’est qu’une question – et une question, c’est une névrose – de conséquences, et voir ce qui est possible. Je dis regarder ou voir, bon, ça ne passe évidemment pas par l’image, ça n’a pas d’image, ça ne ressemble à rien.

Duras : - Je n’ai plus de bouche, plus de visage.

Par exemple, je pourrais dire d’arrêter de parler – je n’ai plus l’impression de parler pour le dire. Je ne dirais jamais assez le soulagement que c’est de ne ressembler à rien : un rien, des riens, des choses. J’ai une bouche pour hurler oui, parce que hurler c’est brut et brutal, c’est la chose elle-même, c’est pris comme c’est, ça n’est pas le prétexte d’une conséquence (conséquence, séquence, con) qui situe, c’est trop brut pour être situé.

Je ne dis pas qu’il faut hurler tout le temps non plus. Hurler tout le temps, ça ne répondrait pas à un besoin, mais à un désir – le désir, c’est le besoin d’une conséquence de chose et non d’une chose elle-même – et même ça serait une situation à part entière à la fin : - tu es où ? – je suis le hurlement. On peut faire la différence entre besoin, désir, chose et conséquence, c'est ça détisser la toile. La subversion, la révolte, peu importe le nom, ce n'est pas autre chose – ce n’est pas autre chose = ce n'est pas une conséquence. L’idée c’est quand même d’arrêter de s’épuiser. J’arrête là.
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5 août 2007 7 05 /08 /août /2007 09:45
  Je vais prendre un exemple. J’ai joué avec un enfant aux « épées magiques ». On avait deux bâtons phosphorescents qui devenaient des épées, donc, avec lesquelles on se battait. On était déjà dans le symbolique. Il n’y avait aucune règle au départ puisque le jeu, on l’inventait au fur et à mesure. Je l’ai vu, cet enfant, élaborer les règles : si on touche avec la tranche du bâton telle partie du corps, ça la coupe toute entière, par exemple si la main est touchée par la tranche, on ne peut plus s’en servir, avec la pointe, par contre, ça localise le coup, on ne peut plus se servir du doigt, etc… Si on touche de la pointe le côté gauche de la poitrine, c’est le cœur, donc on est mort. Il criait : « tu es mort ! je suis mort ! » avec une certaine jubilation. Ensuite, est venu le moment où la pointe a touché le côté droit de la poitrine. Quand c’est sur la main que l’on pointe, on perd le doigt donc, on perd la partie concernée, quand c’est sur le côté gauche de la poitrine, on perd le cœur, bon, sans le cœur, c’est fini, mais là le côté droit, ce n’est pas divisible, comment on localise les conséquences du coup ? Je l’ai vu chercher ce qu’il pouvait faire de cette action, comment ça s’insère dans la chaîne, qu’est-ce que ça peut vouloir dire, qu’elle conséquence ça peut avoir ? J’ai triché avec la règle, j’ai fait comme si on tranchait, j’ai proposé qu’on ne puisse plus se servir de la partie droite du corps. Ca allait, on pouvait insérer le coup dans la chaîne, on avait trouvé une règle, une convenance, un accord, même s’il était truqué, telle action voulait dire telle conséquence, ça tenait, c’était bon. On a continué de jouer et on a souvent perdu les côtés droits de nos corps donc.

  Bon, je dis que la science, les dieux, la loi répondent au même besoin de convenances pour situer les individus les uns par rapport aux autres. Je ne dis pas que tout est langage ou que tout fonctionne comme le langage, désolé Lacan, je dis que tout est structure de convenance, le langage y compris. Qu’est-ce que ça veut dire ? Quelle conséquence ça a, donc… Ca fait que notre être est subtilisé dans ce trucage, que ce qu’on croit être notre être, notre personnalité, notre Moi, ne sont que des fabrications convenues pour s’insérer socialement et que l’on consacre notre existence entière non pas à être mais à se situer dans la société. Ca veut dire que le caractère, au sens de personnalité comme de signe, la persona de Joung, le rôle social que l’on tient en se construisant telle personnalité, s’élabore à la place, au lieu et plutôt que, notre être. Qu’on passe notre temps à se dépêtrer dans les conséquences que ce que l’on est, fait et dit prennent dans cette chaîne sociale plutôt que d’être, que même on fait et dit pour se situer dans la chaîne, quitte à ne pas être. Concrètement, ça fait que toute notre existence sera passée à se demander quelle conséquence ça a de pointer un bâton sur le côté droit de la poitrine parce que ça ne peut avoir de sens qu’à être avalé par la chaîne.

  A partir de là, qu’est-ce que je raconte d’autre. Je dis qu’il y a un être qui résiste à ce trucage aliénant. Qu’il y a une existence impuissante qui cherche à être, qui se développe dans cette recherche à la condition de ne jamais trouver, qui substitue la réalité à cette chaîne indéfinie qui, n’aboutissant à rien, donne quand même l’illusion d’être immortel, et qu’à côté il y a un être qui ne cherche pas, qui trouve, merci Picasso. Je dis qu’il y a une réalité dans l’action de pointer un bâton sur une poitrine. D’abord, cette action, elle est réelle à n’avoir aucune conséquence dans une chaîne de conventions. Elle ne veut rien dire, elle n’implique rien, elle n’a aucune valeur en soi. Elle ne peut donc certainement pas être faite pour ça, situé son agent et son patient dans la chaîne. Qu’est-ce que je fais quand je parle ou quand je lève le bras, parce que ce sont des actions aussi ? Je ne lève pas le bras pour rien, il n’y a qu’en danse qu’on lève le bras pour rien, ou pour faire joli, pour renvoyer à un idéal, et cette danse-là, elle est quand même sacrément mauvaise, je lève le bras pour repousser ou attirer quelque chose et quelque chose dont j’ai besoin, parce que je ne déploie pas mes efforts pour quelque chose qui ne m’est pas nécessaire, c’est comme ça, il y a quelque chose qu’on pourrait appeler un principe de nécessité suffisante qui se vérifie partout, dans les échecs des révolutions, qui répondent à des besoins cohésifs plus qu’à l’espoir d’un monde meilleur, dans les muscles que les gens développent en fonction de ceux qu’ils sollicitent par rapport à leur besoin, pareil pour leur intellect, qui fonctionne comme un muscle, etc… La parole, c’est la même chose, je dis oui ou non pour répondre à mes besoins, et mes besoins ce n’est pas de parler pour ne rien dire afin de me situer dans la société, encore que je comprendrais qu’on me dise que je parle pour ne rien dire, mais enfin… Je vais jusqu’à dire que ça n’a pas de signification, la parole, ça n’a aucun sens, ça ne renvoie à rien d’autre qu’à mes besoins.

  Donc, je dis l’être, ça ne se met pas dans une case, la personne que l’on construit, le Moi, ça se situe socialement, on est un homme, on a telles émotions, telles pensées qui font qu’on est tel homme au regard de l’idéal homme etc… oui, mais l’être, ça déborde cette personne, c’est sans commune mesure, ce n’est ni un homme ni une femme, ni bien ni mal, ni bon ni mauvais, tant pis pour Spinoza, ni beau ni laid, merci Rimbaud, ce n’est pas reconnaissable, ça ne ressemble à rien. L’être, ça ne renvoie pas à une chaîne, c’est déchaîné l’être, ça ne comprend pas la chaîne, ce n’est pas pris avec et emporté, c’est fondamentalement réfractaire. Ca a des nécessités, une puissance pour y répondre. Et ça jouit. Ca ne désire pas, puisque ça trouve : ça jouit. Je pense que c’est clair, cette fois, non ?
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1 août 2007 3 01 /08 /août /2007 19:12
 
 
  Dans ce déploiement indéfini, illimité et indéterminé, c’est-à-dire sans terme aussi, de sens, on a beau faire, il reste quand même quelque chose. Par exemple, on peut fabriquer le sens qu’on veut, les émotions, les pensées qu’on veut, on peut dire qu’on n’y parvient pas, que quelque chose se rétracte. Pour l’art, ça va être, ce qui n’a pas pris forme, ce qui ne ressemble à rien, pour l’être humain, ça sera, ce qui résiste, le noyau de sa névrose comme c’est appelé. En d’autres termes, c’est ce qui est échoué, ce qui met en échec tout un système et qui échoue parce que dans cette société on donne forcément raison au système.

  Alors on va dire que ce qui résiste, c’est la folie, ou l’imperfection ou peu importe, ce qui est irréductible, on ne va rien fonder dessus, on va dire que c’est de la merde, puisque la merde, c’est précisément ce qui est irréductible.

  Il y a quelque chose qui ne s’avoue pas vaincu, qui ne s’avoue pas du tout d’ailleurs. On ne construit rien avec ça, on ne fait rien avec la merde, quoi qu’il y ait des gens qui en mangent, mais c’est à considérer que ce qui est irréductible ne l’est pas, or ça l’est, irréductible. Non seulement on ne construit rien avec ça, mais tout ce qu’on construit n’est jamais qu’une prolifération pour retarder le moment où on bute contre ça.

  Il se trouve que de ce qui se cherche, ce qui reste, ce qui est résiduel et ce qui reste, disons, à faire, ce n’est pas rien, ce n’est pas des riens, et même c’est tout, c’est tout : ça suffit.

  C’est-à-dire que ce n’est pas réduit à être irréductible, comme on fait avec les gens qu’on met en prison parce qu’on ne sait pas quoi en faire, mais que c’est irréductible à ne pas être réduit. C’est très différent. La croyance, la foi, dans, on pourrait faire une liste, la beauté, la perfection, la raison, la science, les dieux… c’est indéfini, c’est l’escamotage qui consiste à réduire ce qui est irréductible. Evidemment, c’est peine perdue et qu’elle peine c’est, franchement.

  Alors que, ce qui est irréductible, la chose qui se rétracte, la chose qui ne prend pas sens, ce sur quoi le système bute, ce qui ne rentre pas dans le rang, ce n’est pas autre chose que la réalité. Et c’est cette réalité qu’on nous escamote.

  Eh bien que la réalité soit irréductible, qu’elle fasse buter tous les systèmes, qu’elle résiste à l’aliénation systématique, c’est bien que ce n’est pas rien.

  La réalité, c’est ce qui reste, au sens de restes, la Chose lacanienne par exemple, l'ordure au-delà de la lettre, de letter à litter selon les termes qu'il emprunte à James Joyce, et là, elle est malheureuse quand même cette réalité, puisqu’elle est de la merde donc, ou c’est ce qui reste, au sens de rester, et là c’est la jouissance, hors-la-loi, hors-le-sens et alors là, la merde, ce sont les systèmes qui la fout(r)ent.
 
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29 juillet 2007 7 29 /07 /juillet /2007 14:28
  La réalité, ce n’est pas ce conflit auquel on se réduit entre, je ne sais pas, son désir et par exemple l’interdit de la société, parce que la réalité est irréductible. Ce n’est pas l’idéal qui se pose là comme présence d’une absence qui renvoie à l’absence d’une présence, qui y renvoie indéfiniment. La réalité, il est certain qu’elle n’est pas dans ce renvoi, dans ce vomi de l’être.

  L’amour, comme leurre idéal, c’est forcément au présent, on dit : j’aime, on ne peut pas dire : j’ai aimé, parce que dès que ce n’est plus présent, ça n’a jamais existé. En fait, ça ne peut avoir lieu que dans le conditionnel, on ne devrait jamais dire que : j’aimerais, comme l’expression d’un désir impossible ou d’un désir d’impossible ou d’une impossibilité de désir. L'amour, comme ce qui a rendu des choses possibles, ça reste présent, dans les choses que ça a rendues possibles, par exemple. Il arrive que ça rende l'impuissance possible aussi. Enfin moi, ce que j'en dis...

  Il y a un truc, un trucage, fondamental dans l’amour, face à la réalité de l’autre en tant qu’elle s’échappe et sa réalité à laquelle on n’échappe décidément pas, c’est de poser l’autre à ce qu’il ne puisse s’échapper pour s’échapper soi. C’est précisément ça le leurre de l’amour, la double-négation de la réalité, de l’autre et de la sienne.

  On ne peut vouloir s’échapper que de ce qui nous fait la vie impossible, mais c’est ne pas voir que la réalité, c’est là où c’est possible, sinon ce n’est pas réel. Et ça ne veut pas dire, là où c’est permis, parce que ce qui est permis, évidemment, c’est impossible. C’est-à-dire, ce n’est pas sur la lune, en tout cas pour l’instant, en tout cas pour moi pour l’instant, ce n’est pas dans l’autre, c’est là où ça ne me viendrait pas à l’idée de m’échapper si je ne la laissais pas elle-même m’échapper par mon désir impossible, dans ma réalité en tant que possibilité de jouissance.

  Je dirais, pour en revenir à ce conflit, que de la loi, on ne peut pas en tenir compte autrement que comme ce que ce n’est pas, en tant que dieu et le père morts. Qu’on ne peut vivre que là où il n’y a pas la loi, que la où elle n’est pas encore passée, que là où sa portée s’affaiblit. Il arrive, de par notre désir, de par notre demande, parce qu’au père on demande tout, puisqu’il est là pour refuser, ça ne coûte rien, ça ne coûte que la réalité, et la jouissance avec, qu’on fonce dans le mur, le mur idéal donc, la présence d’une absence. Bon, ça s’apprend vite pourtant qu’un mur, ça ne peut pas se traverser, non ?, en tout cas pour l’instant, en tout cas pour moi pour l’instant. En réalité, dans cette société, on peut faire tout ce qu’on veut, sauf à vouloir l’impossible, et c’est précisément le tour de force de cette société qui nous aliène fondamentalement quand ça nous prend de foncer dans le mur.

  J’ai réécouté cette chanson il y a quelques jours, je me suis dit que Barbara, elle est sacrément joyeuse quand elle s’échappe de son amour, dont elle est sûre qu’il ne s’échappera pas, puisqu’il dort.


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24 juillet 2007 2 24 /07 /juillet /2007 13:50
  A quel point l’être humain est puissant, c’est inimaginable (c'est hors d'image).

  Alors, bien sûr, il y a une société, c’est-à-dire un ensemble – et qui se ressemble s’assemble, ou plutôt qui s’assemble se ressemble pour s’assembler -  avec une réalité dite objective, c’est-à-dire commune, commune ça veut dire aussi quelconque, désolé, donc oui une société avec une réalité qui met tout le monde d’accord, qui accorde tout le monde, qui compromet, qui fait des compromis et qui corrompt, qui réduit l’être humain à ce qu’il ressemble à ce à quoi il est censé s’assembler. Oui, il y a des êtres humains qui existent là où on est sûr qu’ils ne seront jamais, qui se font reconnaissables pour être « reconnus », au sens hegelien du terme, qui se piègent dans la dialectique du désir qui atteint décidément son but, puisque son but c’est de ne pas l’atteindre, afin de maintenir l’être humain, de le tenir pas les couilles, à ne pas être, à « désêtre » selon le terme de Lacan.

  Oui, il y a une neutralisation, une mutilation, une castration à faire entendre raison à l’être humain, à substituer la raison à la réalité, à le rendre raisonnable-reconnaissable-castré, oui, mais il y a un point d’achoppement, précisément celui sur quoi la société se fonde, celui que le désir ne peut pas atteindre, c’est que l’être humain est déraisonnable, qu’il est au-delà de la raison, qu’il est méconnaissable.

  Sa névrose, c’est le symptôme de sa révolte, de son irréductibilité essentielle à se soumettre, de son incapacité fondamentale à faire sienne la langue de l’autre personne, la langue de personne d’autre, la langue de personne, de ce qui tord et donne tort à la raison, comme tentative castratrice sociale. La névrose, ce n’est pas le symptôme de la maladie de l’être humain, mais celui de la maladie de la société dont il refuse le contage.

  C’est dans ce qu’il n’est pas logique, dans ce qu’il bute, dans ce qu’il échoue, dans ce qu’il rate et dérive, dans ce qu’il s’échappe, dans ce qu’il se sauve, qu’il est sauvé.

  A quel point l’être humain est puissant, c’est-à-dire par exemple dangereux, sauvage, amoral et asocial, oui, et surtout irréductible, il y a de quoi se réjouir.

  Il y a de quoi se (ré)jouir de l’impossibilité fondamentale de l’être humain à avoir un devenir, par exemple un devenir social, à ne pas être ce qu’il devient, à ne pas devenir ce qu’il est, parce que c’est cette impossibilité qui le rend puissant.
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