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30 avril 2012 1 30 /04 /avril /2012 16:22

Jean-Luc Godard - Faut pas rêver : quand la gauche aura le pouvoir

JLG---faut-pas-rever.jpg Je vais reprendre où je m’en étais arrêté pour insister encore... Mais d’abord, sans doute vais-je faire un détour pour exercer quelque chose comme un droit de suite... Il se trouve qu’à regarder ici comment les corps humains s’organisent, créent outils et utilisations, nous nous sommes intéressés à cette gigantesque chose agricole qui répond à la précarité inouïe qu’il pouvait y avoir à dépendre des intempéries, des ravages de tels insectes ou que sais-je... On avait trouvé dans plusieurs discours de M. Mélenchon le même intérêt curieux... Par ailleurs, toujours en procédant par des hypothèses qui n’ont pas d’autre vocation que de nous faire pressentir le cours des effectuations au travail, sans qu’on puisse, comme n’importe quelle supputation archéologique, jamais venir la vérifier tout à fait, c’est de cette dépendance aux intempéries, qu’on faisait partir les invocations des dieux... Le corps humain ne connaissant pas la passion, il fallait bien qu’il façonne une parade pour avaler et digérer... par exemple l’orage ; mais encore la croissance des arbres ; la gravité ; la rotation de la Terre, etc... Je m’éloigne parfaitement de ce qui nous préoccupe ici, mais je n’en suis pas encore à divaguer pour autant... On peut noter qu’une fois expliqués tous ces phénomènes, c’est-à-dire une fois que le corps humain, s’il continuait à les subir, pouvait en faire quelque chose dans son monde du verbe, les croyances ont, comme n’importe quelles effectuations, continuer de courir... On verra ça dans le point suivant...  Michelet, d’ailleurs, dans sa sorcière, pressentait les origines de la magie, là, dans les bois, au cœur d’un environnement intensifiant une passion que le corps humain ne sait pas connaître... Il se trouve que dans une... intervention, prise de parole, je ne sais pas comment appeler ça, à propos de tout autre chose, voici M. Mélenchon qui précise un point qui est fait pour nous amuser, c’est une autre hypothèse, toujours à propos de ces cueillettes, qui veut que les corps humains aient organisé leurs cultures dans des rituels qui rendaient hommage aux dieux. Je peux le citer (à 8’30) : « J’ai été bouleversé le jour où on m’a dit que l’agriculture n’était peut-être pas née de la lutte contre la précarité que représente la cueillette mais des cultes rendus aux dieux qui ont fait qu’en accumulant des graines à un endroit on s’est aperçu qu’elles poussaient. [...] On voit que les faits de culture peuvent être supérieurs à des faits qui résultent de simples relations sociales, fussent des relations d’exploitation... » Alors, je ne vais pas poser ici culture et là relations sociales ; je ne vais pas, à partir de quelque chose de spéculaire, échafauder toute une construction, aussi intéressante soit-elle... Mais pour autant, je savoure la teinte, la variation, que cette nouvelle hypothèse vient donner aux couleurs de nos considérations... Quant à articuler cette question entre matérialisme de l’histoire ou romantisme de l’idéal, selon les termes marxistes, car j’ai quelques raisons de flairer que c’est ce dont il s’agit, il me semble qu’on aura déplacé la question en insistant sur ceci qui veut que le mot meurt aussi...

 

  Précisément... Je voudrais revenir sur quelque chose autour de quoi je tourne ces derniers temps, sans être certain de l’esquisser assez pour qu’on puisse le pressentir tout à fait et j’entends prendre appui sur cette histoire de matérialisme historique pour en venir à ceci qui veut que la dédifférenciation prolifère. En épistémologues que nous sommes forcément ici, il nous faut débarrasser cette chose grosse et pochée matérialiste pour en dégager un ou deux outils et ça ne va pas sans dire... On avait déjà vu comme Marx voit la main humaine dans le travail, qui ne parvient pas, comme on l’avait tourné, à se détacher tout à fait de la terre dont il est fait... Bon. On peut garder ça en tête... Continuons... Le matérialisme historique vient à un moment faire face à des questions qui sont très loin derrière nous, suffisamment pour nous sembler parfaitement exotiques, loufoques et curieuses, l’essence, l’être, le déterminisme, autre... Il ne faut pas oublier ça, parce que ça nous permet déjà d’évacuer grossièrement un certain nombre de problèmes qui ne viennent plus du tout se poser, en tout cas pour nous. C’est un peu périlleux, mais on avance...

 

Faisons encore un pas... Notons le ressort le plus significatif de la chose « matérialisme historique », qui veut que... comment dire... « Ce n'est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience » (Marx, Engels, l’idéologie allemande, Editions sociales, 1968, p. 51) comme cela se formule dans un passage délicieusement époustouflant. Là, je n’aimerais pas du tout me retrouver à paraphraser ou à déformer un mécanisme qui m’intéresse beaucoup... Disons que la conscience, la pensée, autre... se font à partir de la terre dont elles sont faites sans s’en détacher tout à fait... Voilà, je ne rappelais pas cette figure pour rien... Je crois ne pas trahir l’intuition... Elle est exquise, je conseillerais de s’y reporter... Je pointe un point d’appui fondamental dans le déploiement de la pensée marxiste, j’imagine que tout le monde l’aura en tête, même s’il me semble qu’on néglige parfois le ressort du mécanisme, ce petit truc qui a vocation à sauter... Il nous faut faire un pas plus hardi encore, parce qu’il se trouve que je veux en venir quelque part...  J’aimerais ne pas reprendre l’articulation de la pensée marxiste, forces productives, conscience, domination idéologique, etc... D’abord parce que, par goût personnel, j’ai un problème avec les vestiges hégéliens de cette pensée, ça c’est pour l’anecdote, mais surtout parce que je me retrouverais happé dans le ronronnement de quelque chose qui, aussi imparable soit-il, finit forcément dans la paranoïa... C’est pourquoi j’avance à tâtons, pour pointer minutieusement l’outil qui excite mon intérêt, et qui devrait me permettre de pointer quelque chose d’autre...

 

Bref... Faisons ce pas de plus... Dans ce paradigme marxiste, un fois posée cette idée que la pensée, la vie, autre, sont faites de la terre dont elles ne se détachent pas tout à fait, on en arrive à cette dialectique qui veut que « des conditions déterminées » « permettent à des individus déterminés » « de produire leur vie matérielle et tout ce qui en découle : ce sont donc des conditions de leur manifestation active de soi, et elles sont produites par cette manifestation de soi » (Ibid., p. 98). Là, alors, on commence à toucher du doigt le mécanisme précieux que je cherche à recueillir... Je crois aller lentement, et trancher des pans entiers de raisonnements qu’induisent chacun des points que je pose (par exemple l’échange, l’appropriation des forces productives, etc.), assez pour ne pas avoir à reformuler quelque chose que je ne voudrais pas rabattre... Pour continuer à pressentir l’articulation du mécanisme, saisissons-le un temps après : « Ces différentes conditions, qui apparaissent d'abord comme conditions de la manifestation de soi, et plus tard comme entraves de celle-ci, forment dans toute l'évolution historique une suite cohérente de modes d'échanges dont le lien consiste dans le fait qu'on remplace la forme d'échanges antérieure, devenue une entrave, par une nouvelle forme qui correspond aux forces productives plus développées, et, par là même, au mode plus perfectionné de l'activité des individus, forme qui à son tour devient une entrave et se trouve alors remplacée par une autre. » (Ibid.). Encore une fois, j’insiste, il nous faut faire un travail d’élagage rocambolesque, ne pas suivre toutes les pistes induites et déduites par ce pan de la pensée marxiste, pour se concentrer sur le mécanisme lui-même...

 

Je crois avoir posé minutieusement suffisamment d’éléments pour dessiner par touches quelque chose qui va pouvoir me permettre d’en venir à ce que j’ai en tête... On a donc une terre, des choses qui sont faites de cette terre et qui ne s’en détachent pas tout à fait, au point qu’on ne puisse plus précisément distinguer ce qui tient de l’ordre de la terre ni de la chose, ni même si cette terre n’est pas aussi faite de ces choses – En passant, je digresse, notez qu’avec un mécanisme pareil, vous expliquez les révolutions tout autant que la permanence des fonctions qui franchissent les révolutions qui font que vous retrouvez des privilèges après l’abrogation des privilèges, des croyances après la mort des dieux, etc... –. Mais peu importe... J’en viens à ceci qui veut que la dédifférenciation n’est pas un retour à un seuil neutre, comme on pourrait se le figurer, mais bien la prolifération de la terre et des choses, de la chose-terre. La dédifférenciation est proliférante et proliférée ou la prolifération est dédifférenciante et dédifférenciée, peu importe...

 

En d’autres termes, si je veux pousser plus loin cet exemple dont je me suis servi, même si c’est fait pour aller jusqu’à le court-circuiter, la question de la manifestation de soi d’une part et des forces productives d’autre part ne se pose pas... Non pas parce que l’un des termes serait tombé, comme on a pu le voir dans l’histoire des idées où par exemple le Signifié chez Lacan  – je fais un pas de côté un peu disgracieux – tombe pour laisser courir le Signifiant, et on sait bien que quand on laisse courir, c’est quand même qu’on s’en fiche tout à fait... Non, non, j’insiste, je veux dire, si je prends ce dernier exemple, ça marche pareil – la dialectique est la même – la question du Signifié d’une part et du Signifiant d’autre part ne se pose pas... Par exemple parce qu’on n’atteint pas le seuil où on serait tout à fait dans quelque chose qui serait le Signifié ou la manifestation de soi ou quelque chose qui serait tout à fait les forces productives ou le Signifiant. Ce ne sont pas les termes (manifestation, force, autre), s’il est besoin de préciser, qui m’intéressent dans ce point d’articulation marxiste, mais bien le mécanisme inouï qui fait que la condition se fait force, la force se fait manifestation, la manifestation se fait force, la force se fait condition, etc. C’est un exemple. Ce qui va m’intéresser ici c’est le mouvement que je cherche à vous faire pressentir sans lequel je ne crois pas qu’on puisse comprendre prolifération et dédifférenciation. Et, sans doute, ne peut-on pas comprendre – j’en finis avec cet exemple donc et ce sera pour le plaisir de la chose – en quoi ce qui permet de se manifester est la limite même de cette manifestation si on ne comprend pas la prolifération dédifférentielle... C’est pourquoi, en passant, si on rejoint Engels et Marx dans leur dénonciation de la division du travail, dont on soulignait ici, il y a quelques temps, la cruauté tragique de la fongibilité, la pensée révolutionnaire ne peut pas poser une possibilité/entrave, par exemple une classe, le prolétariat, autre, autrement qu’à vider le terme de sa charge en le posant...

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commentaires

A
<br /> Dit autrement il m'est impossible de lire vos textes sans avoir mal à la tête, alors qie la question du sale et du propre est hautement philosophique. Est-ce aller contre votre anarchisme que de<br /> dire cela en essayant de ne point vous blesser ?<br />
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C
<br /> <br /> Au contraire, le confort du lecteur n'est pas quelque chose qui m'indiffère du tout... je vais réfléchir à quelque chose qui soit plus agréable... :-)<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> Une question Claude. Pourquoi écrire en blanc sur fond noir (ce qui fatigue l'oeil du lecteur commme il m'a été maintes fois reprochés) et pourquoi choisir une typographie de machine à écrire.<br /> Sans doute un caractère sale/propre que je saisis mal. Vos articles gagneraient pourtant à être connus.<br />
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