7 novembre 2007
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Alors il y a des gens qui se sont laissés abattre. Il y a des gens qui se sont dits qu’ils ne pouvaient pas s’échapper. Il n’y a pas de point de départ, on ne repart pas à zéro. Des paranoïaques qui ont projeté leur inconscient partout, qui se sont sentis traqués, envahis. Et des dépressifs qui se sont mis à pousser des pierres jusqu’au sommet d’un rocher, les laisser tomber puis recommencer indéfiniment. Ca c’est drôle, parce que c’est rester dans une logique qui continue de s’articuler avec une origine qu’elle n’a plus. Non, ce n’est pas drôle du tout, c’est triste, parce qu’ils sont désemparés ces gens. C’est pareil, ils ne peuvent pas du jour au lendemain faire repartir à zéro leurs pensées, donc ils ont les mêmes mécanismes, mais un des éléments en moins, le leurre de l’origine disparu. Comment ils pensent ? Ben, non, ils boitent en fait… Et ils étouffent aussi. Une partie des mouvements de pensée du XXe siècle, c’est aussi toute une parade que l’on voit mise en œuvre pour tenter de retomber sur ses pieds ou fabriquer les mêmes rapports en cherchant d’autres éléments. Par exemple, il y a des scientifiques qui ne vont plus chercher la Vérité, ça ils ont compris que c’est bidon, mais ils vont chercher leur vérité. Ils sont sérieux. Ils ne se rendent pas du tout compte que c’est un trafic auquel ils se livrent pour maintenir et préserver leurs mécanismes. Il faut voir qu’ils font ce qu’ils peuvent et qu’ils résistent parce que ça leur fait peur ce qui s’effondre tout autour. Encore une fois, ils ne vont pas repenser à zéro, alors ils sont poussés dans leurs retranchements, c’est très beau à voir.
Pourtant, en fait, il n’y a rien à faire. C’est idiot de forcer, ça se fait tout seul. Le leurre de l’origine tombe, il est tombé il y a longtemps, ça a mis du temps à se répandre. C’est fait. Il n’y a plus d’universaux au point qu’il n’y a pas non plus l’universel qu’il n’y a plus d’universaux. Il y a des gens qui vont arriver pour dire qu’il y a une origine, tant mieux. On n’est pas en train de fixer des points, donc il n’y a pas le point « ne pas fixer des points », s’il y a des gens qui fixent des points, c’est très bien. Ce qu’il faut voir, c’est que c’est la conception et le rapport aux choses qui sont bouleversés. Il ne faut pas retomber dans des mécanismes de définitions avec ça. Il faut sortir de ces mécanismes, non pas en repensant de zéro, mais en utilisant ce que ça rend possible. Là, on pense complètement différemment, on pense en termes de forces et de possibilités. On saisit les possibilités et on rend possible. Il y a des mouvements, des poussées, c’est pareil à échelle sociale ou à échelle individuelle, il y a des forces qui montent, qui saisissent la possibilité, par exemple, de ne plus penser en termes d’origine, et qui rendent possible de penser en termes de forces.
Quelle différence ça fait ? Ce n’est pas difficile, c’est que tout à coup la pensée devient agissante. Disons que ce n’est pas la chose en elle-même qui compte, parce qu’on ne la définit plus, mais la force qu’elle exprime et la force qu’on peut en tirer. Parce que c’est ça, si on ne pense pas en termes d’origine, on dégage les forces. Et si on ne peut rien faire avec une définition embarrassante, et imaginaire en plus, avec la force, là alors…